Le Rapport Lescure : des pistes courageuses et inédites

L’ASIC s’inquiète néanmoins de vouloir faire glisser une partie de l’Internet sous la coupe du CSA.

Paris, le 16 mai 2013 – Auditionnée par les membres de la Mission Lescure, l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) a pris connaissance du rapport final présenté à la Ministre de la Culture et de la Communication.

Au cours de son audition, l’ASIC avait insisté sur la nécessaire préservation du statut de l’hébergeur et sur l’écueil récurrent de vouloir procéder à sa réforme avec le prisme de la propriété intellectuelle. C’était oublier que ce statut s’applique à une grande variété d’acteurs (plateformes de vidéo, de commerce électronique, de blogs, réseaux sociaux, etc.), couvre une large palette de problématiques face auxquelles la réponse technique ne peut être uniforme.  L’ASIC avait aussi insisté sur le besoin de développer une offre légale, seule mesure réellement efficace.

Dans son rapport, la Mission Lescure retient la nécessaire préservation du statut de l’hébergeur. Elle proclame ainsi qu’”une révision de [ce] statut, visant à modifier leur définition ou leur régime de responsabilitié, ne paraît ni souhaitable ni nécessaire”, et reconnaît qu’une révision “aurait une portée très générale et ses conséquences dépasseraient largement la question de la protection du droit d’auteur”.

L’ASIC salue cette prise de position de la Mission Lescure, inédite en comparaison des rapports précédents sur le thème de la création et Internet.

Autre point positif que l’ASIC aimerait saluer : la recommandation de conduire une réforme du droit d’auteur sur le modèle de ce qui a été fait au Canada. En effet, le rapport propose d’élargir les exceptions au droit d’auteur afin de sécuriser davantage les contenus créés par les utilisateurs. Il s’agit d’une piste importante que le Gouvernement se doit d’explorer.

Enfin, l’ASIC se félicite des propositions, certes timides, de la Mission Lescure en matière d’aménagement de la chronologie des médias ou d’exploitation des oeuvres. Il est important de relever qu’Internet est en mesure d’offrir à une oeuvre cinématographique, une fenêtre complémentaire d’exploitation. Ne laissons pas ces oeuvres, financées sur fonds publics et par l’impôt, dormir sur les étagères !

En revanche, l’ASIC s’inquiète de deux propositions du rapport :

  • L’idée de confier au CSA des missions de régulation touchant aux vidéos distribuées via Internet. Cette piste comporte le risque – non négligeable au vu des positions prises par le CSA jusqu’à maintenant – de transposer la régulation audiovisuelle à l’Internet, et ainsi de restreindre la liberté d’expression. Le régulateur de l’internet est, et demeure, le juge qui aujourd’hui possède l’ensemble des instruments pour mener à bien son travail. L’internet n’a pas besoin d’un CSA du Net, d’un régulateur souhaitant imposer quotas, interdictions de diffusion ou une hiérarchisation des informations.

  • La proposition de créer une taxe sur les plateformes de vidéo via leur qualification en distributeur. Outre, le fait que cette analyse est contraire tant à la directive “commerce électronique” qu’à la jurisprudence de la Cour de cassation, cette mesure aurait pour conséquence d’handicaper encore plus fortement les acteurs localisés sur le territoire français qui se verraient soumis à une mesure fiscale spécifique et non appliqués dans les autres pays européens. La compétitivité de la France sur ce secteur, présenté encore récemment par le Gouvernement comme “stratégique”, se verrait alors être définitivement comprise.

Pour les dirigeants de l’ASIC, “nous saluons le travail de Pierre Lescure et de son équipe car il comporte des pistes courageuses et inédites par rapport aux précédents rapports sur le même thème. Cependant nous espérons que les arbitrages gouvernementaux éviteront certains écueils, en particulier celui d’une extension de la régulation audiovisuelle aux services en ligne et celui de mesures réglementaires ou fiscales qui affaibliraient l’attractivité des entreprises numériques relevant de la législation française.

L’ASIC suivra les suites que le Gouvernement souhaitera donner à ce rapport et à ses propositions.