Un nouveau coup porté à la liberté d’expression en ligne

Paris, le 10 janvier 2017 – L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC), fondée en 2007 et qui regroupe des prestataires d’hébergement Internet, français et internationaux, s’inquiète d’une nouvelle tentative de porter atteinte à la liberté d’expression sur Internet, par le biais de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale examinée à l’Assemblée ce jeudi.

Ce texte, par l’intermédiaire d’une rédaction introduite par voie d’amendement au Sénat et conservée par la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, vient créer un régime de prescription différent pour les infractions de presse selon que le contenu est publié uniquement sur Internet (1 an) ou a également été publié sur support papier (3 mois). Un journaliste d’un site de presse uniquement en ligne se verrait donc appliquer un régime différent d’un de ses confrères dont le journal disposerait également d’une version papier et tout internaute (qu’il soit simple citoyen, lanceur d’alerte ou blogueur politique) se verrait appliquer par défaut ce régime.

A l’appui de son amendement devant le Sénat, le sénateur François Pillet déclarait: “si nous proposons de porter de trois mois à un an le délai de prescription du délit de diffamation, c’est en raison de la spécificité d’internet : dix ans après, l’infraction peut subsister”.

L’ASIC s’étonne que l’on propose aujourd’hui de réformer une loi aussi emblématique que la loi de 1881, symbole du difficile équilibre entre liberté d’information et respect du droit des personnes, sur le fondement de cette simple analyse, et ce alors même qu’une infraction peut tout aussi bien subsister sur support papier dix ans après sa publication. L’ASIC rappelle par ailleurs l’existence depuis plusieurs années d’un droit au déréférencement sur Internet présicément conçu pour appréhender ces situations.

L’ASIC s’alarme donc de cette rédaction, pourtant déjà repoussée par l’Assemblée Nationale de nombreuses fois (encore dernièrement lors de son examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté » en novembre 2016) qui vient réformer en profondeur la loi de 1881 en l’absence de tout débat, de toute étude d’impact et a fortiori de toute consultation des acteurs concernés et de la société. Une telle disposition viendrait créer une liberté d’expression à deux vitesses dans un pays qui figure désormais au 45e rang mondial (selon le classement RSF 2016) en matière de liberté de la presse.

L’ASIC rappelle également que le Conseil Constitutionnel a déjà eu l’occasion, dans sa décision 2004-496 DC du 10 juin 2004, de déclarer contraire à la Constitution une disposition qui prévoyait un régime de prescription différent selon le support de diffusion. Elle appelle donc les députés et le Gouvernement à s’opposer à cette rédaction et à réaffirmer leur attachement à la liberté d’expression sur Internet.