#TaxeNumérique sur les entreprises : Bercy doit revoir sa copie

L’ASIC décide de saisir la CNIL afin de s’assurer que la conservation massive de données imposée par cette nouvelle taxation est compatible avec le RGPD

Paris, le 8 février 2019 – L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) a pris connaissance du projet de texte relatif à la création d’une taxe sur “certains services numériques”. Au regard de l’absence d’étude d’impact, des risques portant sur les acteurs français et des nombreuses imprécisions rédactionnelles, l’ASIC appelle le Gouvernement à revoir totalement le texte.

Selon le Ministre de l’économie, cette taxe sur les services numériques s’inspire du texte européen tel que discuté depuis des mois à Bruxelles. Néanmoins, la version française que Contexte publiait nous interpelle à plusieurs titres  :

  • Aucun alignement entre la taxe française, le texte européen mais aussi les taxes nationales qui ont pu être discutées en Italie ou en Espagne. Cela crée une forte incertitude et un risque de double ou multiple taxation d’un même revenu – ce qui pourrait ainsi aller à l’encontre de plusieurs traités et règles internationales ;  
  • A la lecture du projet actuel, une entreprise n’est pas en mesure de savoir si elle doit payer ou pas la taxe numérique – alors que la mesure est censée être applicable depuis le 1er janvier. ;
  • Un périmètre définit très largement. En visant la “mise à disposition d’une interface” permettant de mettre en relation deux utilisateurs, Bercy taxe très largement toute l’industrie numérique. Une application de jeu en ligne ? C’est une interface mettant en relation deux utilisateurs. Un service de cloud ? C’est une interface mettant en relation deux utilisateurs. Un téléphone ? C’est une interface mettant en relation deux utilisateurs. Un service de lettre recommandée électronique proposé par La Poste ? C’est une interface mettant en relation deux utilisateurs. Dans le domaine publicitaire, la mesure va jusqu’à taxer les hébergeurs de simples publicités !
  • Aucune mention, malgré les promesses du Gouvernement, d’une clause d’extinction de cette taxe à la signature d’un accord au niveau de l’OCDE. La taxe demeurera ad vitam eternam créant de manière permanente une multiple taxation des acteurs économiques français et étrangers.  Le processus OCDE est une réalité, avec un accord conclu entre 127 pays fin janvier dernier en faveur d’un changement des règles fiscales internationales. La France devrait l’encourager davantage.

Par ailleurs, l’ASIC rappelle qu’une telle mesure doit s’accompagner d’une analyse précise de son impact sur l’économie française. Elle doit en particulier répondre aux questions suivantes :

  • Quel impact sur les PME, TPE, auto-entrepreneurs et consommateurs français qui, in fine, seront redevables de la taxe ? Bercy lui-même l’annonce en rappelant que cette mesure est liquidée selon les modalités .. de la TVA !
  • Quel impact sur l’attractivité de la France ? A un moment où l’ensemble des baromètres annonce une baisse des investissements étrangers en France, cette mesure fiscale va être un repoussoir supplémentaire. Cette proposition est le signal fort de la défiance de la France envers le numérique. La France est passé de la 15e à la 17e place dans le baromètre “DESI” de la Commission européenne en seulement 18 mois !
  • Quel impact sur la capacité des entreprises françaises soumises à la taxe de continuer à grandir voire à recruter ? Bercy prend-il l’engagement que cette mesure fiscale ne se traduira par aucune suppression d’emploi dans le secteur du numérique ? Un acteur français redevable de la taxe qui investit largement devra choisir entre payer cette taxe supplémentaire ou poursuivre ses investissements. Par définition, une taxe sur le chiffre d’affaire, contrairement à l’IS, touchera également les entreprises ne faisant pas de bénéfice. Cette taxe est dès lors incompatible avec une ambition de faire émerger des géants européens.
  • Quel avenir pour l’Europe et la marché unique numérique ? Alors que les élections européennes approchent, la France envoie un signal négatif à ses partenaires européens en adoptant sans harmonisation ni approche pan-européenne une mesure fiscale. Ceci va affaiblir le marché unique numérique, seul levier de la croissance économique pour les 27 pays de l’Union.

Ce projet de taxation démontre aussi un défaut de compréhension du numérique, des technologies et de ses leviers de croissance. Tout est interface et donc, naturellement, tout sera taxé. Par ricochet, le numérique étant le premier levier de transformation et de croissance des autres secteurs économiques, c’est toute l’économie française qui viendra à en payer indirectement le prix.

Le Président de l’ASIC, Giuseppe de Martino :

“Alors que l’ensemble de l’économie devient de plus en plus numérique, cette taxe aura vocation à s’appliquer à toutes les grandes entreprises françaises d’ici 3 à 5 ans. Nous appelons le Gouvernement à revoir complètement la mesure envisagée,à réaliser, puis à rendre publique une étude sur l’impact économique de la taxe envisagée.”

“Ce projet de #TaxeNumérique impose aux acteurs du numérique de conserver pendant de nombreuses années l’ensemble des éléments permettant de justifier chaque élément de revenu soumis à la taxe. L’ASIC s’interroge sur la compatibilité de cette mesure avec le règlement européen sur la protection des données personnelles.”

L’ASIC a ainsi décidé de saisir la CNIL sur le projet de taxe sur les services numériques afin de savoir si une conservation massive de l’ensemble des logs d’activité de tous les services numériques et ceci pendant au moins 3 ans est compatible avec les préconisations du RGPD.