Rapport contre la haine en ligne : une occasion manquée ?

Paris, le 20 septembre 2018 – Depuis de nombreuses années, l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) et ses membres sont engagés dans une démarche responsable de renforcement de la sensibilisation des utilisateurs et des outils existants en matière de lutte contre les contenus illicites. C’est dans ce cadre que l’ASIC et ses membres ont été auditionnés par les membres de la mission en charge d’élaborer des mesures tendant à renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur internet.

L’ASIC et ses membres regrettent de ne pas avoir été associés plus étroitement aux discussions relatives aux recommandations telles qu’elles figurent dans le rapport remis aujourd’hui au Premier Ministre.

En effet, celles-ci soulèvent de nombreuses interrogations que le Gouvernement sera amené à trancher dans les prochaines semaines. Ainsi, le rapport préconise que “les plus grandes plates-formes” doivent retirer les contenus “manifestement racistes ou antisémites” dans un délai de 24 heures sous peine de se voir infliger d’importantes amendes.

L’ASIC souhaite en particulier soulever les points suivants:

  • En ne visant que “les grandes plates-formes” alors même qu’il ne réalise aucun panorama ni aucune étude du paysage actuel de la haine sur Internet, ce rapport ne risque-t-il pas de déresponsabiliser les plates-formes de taille intermédiaire, se situant sous un seuil factice et ainsi transformer les petites plateformes ou les forums de discussion en sanctuaires de la haine ? A ce titre, quid des mesures contre les sites Internet édités par des professionnels de la haine, lesquels se font héberger à l’étranger, notamment en Russie, d’où ils fédèrent leurs importantes communautés d’utilisateurs ?
  • En créant une catégorie de “contenus manifestement racistes ou antisémites”, le rapport propose de créer une différence au sein même des contenus racistes, une distinction que le droit ne connaît pas. Avec une telle gradation, ne risque-t-on pas de s’acheminer vers une légalisation du “racisme ordinaire”, de tous les propos “non manifestes” ?
  • En créant un régime strict accompagné de fortes amendes applicables uniquement à des contenus manifestement racistes ou antisémites, ne risque-t-on pas d’inciter les plateformes à recentrer leurs moyens humains et techniques sur la lutte contre ces contenus au détriment de la lutte contre le terrorisme ou contre la pédopornographie?

L’ASIC regrette également l’absence de recommandations concrètes en faveur d’une meilleure qualification des signalements adressés aux plateformes et d’une instance de dialogue véritablement opérationnelle entre signaleurs de confiance compétents et plateformes. A cette occasion, l’ASIC rappelle que la loi allemande dite “NetzDG” prise en exemple dans ce rapport a généré un nombre important de signalements concernant des contenus parfaitement licites, nuisant de facto au traitement des signalements pertinents.

L’ASIC et ses membres regrettent donc qu’une discussion de confiance n’ait pu s’installer sur ces problématiques centrales pour la société française et encouragent le Gouvernement à suivre l’exemple des approches constructives trouvées en matière de lutte contre le terrorisme.