Propositions de l’ASIC à la Commission « Prestataires de l’internet » du CSPLA

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L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) dont plusieurs membres participent activement aux travaux de la Commission « Prestataires de l’internet » du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a souhaité adresser aux membres de la Commission une note synthétique sur les questions, notamment de définition, soulevée lors des débats. Cette note se veut également un projet tendant à émettre certaines propositions et à rappeler les attentes des membres de l’ASIC vis-à-vis des travaux de la Commission.

Le métier du 2.0
Les membres de l’ASIC représentent aujourd’hui des acteurs clés de l’Internet. Il s’agit de toute la variété de prestations délivrées afin de permettre le développement de l’internet communautaire. Cela recouvre les plates-formes de blog, les plates-formes de vidéos, les plates-formes de commerce électronique, les sites de partage et de création collaborative, … des activités englobées par ce qui est appelé communément le « 2.0 ». La fonction principale de ces acteurs est de mettre à la disposition du public, de manière gratuite ou payante, des outils leur permettant de diffuser des contenus dont ils sont – dans l’immense majorité des cas – « propriétaire » et auteur ou de participer en apportant une contribution positive à la création d’un contenu.

Le point commun de tous nos métiers reste la fonction consistant à accueillir sur nos machines et serveurs des contenus réalisés, publiés, mis en ligne par les internautes,
utilisateurs de nos services, afin que ceux-ci soient – sauf exceptions – accessibles sur l’internet.

C’est cette caractéristique essentielle qui nous fait dire que ce type de métier est par essence même étroitement lié à la fonction de stockage de contenus pour mise à disposition du public (souvent désignée communément, sous le raccourci « d’hébergement ») telle qu’elle a pu être définie par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Pour autant, nous n’en sommes pas moins des acteurs « responsables » agissant dans l’intérêt d’un développement équilibré de la société de l’information pour le bénéfice de tous.Cette volonté a été démontrée, notamment, lors des auditions des membres de l’ASIC qui ont pu mettre en avant les diverses actions et/ou outils qu’ils mettent en œuvre afin de protéger le droit des tiers, et les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans le développement de leurs services, de tels outils ou pour adopter de mesures
complémentaires.

Le statut de l’hébergeur

Pour les membres de l’ASIC, le statut de l’hébergeur n’est pas un statut d’irresponsabilité. En effet, le mécanisme adopté en 2004 par le législateur français dans la lignée des règles communautaires en vigueur – et les juges ont eu l’occasion de le rappeler – demeure un régime de responsabilité aménagée accordée à certains acteurs de l’internet moyennant d’autres obligations et notamment celles de détenir des données permettant d’identifier l’auteur d’une éventuelle infraction commise par l’intermédiaire des services qui ont été mis à sa disposition.

Selon nous et au regard tant des interprétations émises au plan communautaire que des débats parlementaires, le statut de l’hébergement issu de la loi du 21 juin 2004 vise bien tous les intermédiaires de l’internet qui ont pour fonction (et non pour métier) de stocker les contenus fournis par les destinataires du service et notamment ceux qui procèdent en outre à leur mise à disposition du public par un moyen de communication au public en ligne.

En conséquence, l’ASIC considère que les métiers du 2.0 ne relève pas a priori de la qualification souvent avancée d’éditeur de contenus et/ou d’éditeurs de services de
communication au public en ligne.

Selon nous, la notion d’éditeur ne vise que les personnes (i) qui sont à l’origine du contenu ou de sa création et/ou (ii) qui déterminent et choisissent d’afficher les contenus qui doivent être mis à la disposition du public. Ce point a été confirmé à plusieurs reprises tant par la jurisprudence que par l’interprétation parlementaire.

De plus et comme indiqué précédemment, le statut de l’hébergeur n’exonère pas de toute responsabilité les acteurs de l’internet communautaire. Plusieurs éléments doivent être rappelés à ce titre.

1 – Les personnes définies à l’article 6.I.2 de la LCEN demeurent soumis à une obligation forte, celle de conserver les données permettant l’identification des personnes à l’origine des contenus. Cela recouvre, notamment, des données déclaratives mais également des données plus personnelles comme des numéros de carte bancaire lorsque le service donne lieu à des paiements ou des adresses de courrier électronique qui seront vérifiées. Ce sont ces informations qui sont communiquées aux autorités notamment de police et de gendarmerie dans le cadre de réquisitions judiciaires et qui leur permettent d’assurer la poursuite de l’action publique à l’encontre de délinquants. Le décret prévu au II de l’article 6 de la LCEN et spécifique aux personnes définies à l’article 6.I.2 est d’ailleurs en cours de préparation et viendra préciser les informations et les durées de conservation correspondant à cette obligation d’identification.

2 – Les personnes définies à l’article 6.I.2 de la LCEN peuvent voir leur responsabilité engagée si, ayant connaissance du caractère illicite d’un contenu ou d’une activité, ils n’ont pas pris les mesures destinées à faire cesser le trouble. En conséquence, dès lors qu’un acteur de l’internet communautaire est valablement informé soit qu’il existe un contenu illicite sur son service, soit qu’il existe une activité illicite sur son service, il pourra voir sa responsabilité être engagée à défaut de réaction de sa part. A ce titre, les juridictions parisiennes ont largement fait évoluer ces notions dans un sens favorable aux ayants droit puisque l’hébergeur se voit également contraint d’empêcher toute nouvelle mise en ligne sur son service du contenu litigieux.

3 – Au-delà de notre fonction d’hébergement des contenus des utilisateurs de nos services, les sites communautaires ont tous des fonctions autres pour lesquels un régime de responsabilité différent peut s’appliquer. Certains sites communautaires pourront revêtir le statut « d’éditeur » pour les contenus qui sont mis en ligne de leur propre initiative (choix des rubriques, contenus propres) ou des statuts de responsabilité de droit commun, notamment en notre qualité de prestataire de service.

Ainsi, la responsabilité des acteurs de l’internet communautaires si elle relève d’un statut encadré en ce qui concerne la fonction d’hébergement de contenus, relève également du droit commun pour l’ensemble des autres fonctions et notamment, pour tous les contenus dont le site est l’auteur ou pour des fonctions qui ne seraient pas de nature « hébergement » (comme par exemple, le courtage).

La réaction aux propositions

A l’occasion des discussions, plusieurs propositions et/ou interprétations ont pu être émises. L’ASIC souhaiterait apporter un commentaire.
1 – Pour l’ASIC, il n’existe pas de statut « unique » applicable aux acteurs de l’internet communautaire. Il faut, en fonction du problème constaté et de l’origine du contenu litigieux, déterminer quelle fonction est à l’origine de l’atteinte aux droits invoquée : est-ce le stockage de contenus mis en ligne par un tiers? Est-ce un contenu créé par le site communautaire luimême? Est-ce une autre fonctionnalité qui pose problème ? Cette logique de l’application distributive du régime de responsabilité a été confirmée tant par la jurisprudence, même antérieurement à la loi du 21 juin 2004, que par les auditions des services de la Commission européenne.

2 – L’ASIC n’est pas favorable à une modification législative que cela soit pour exclure les sites communautaires du régime de responsabilité de l’hébergement ou pour créer une nouvelle catégorie d’hébergeur.

Deux raisons à cela. Tout d’abord, comme évoqué précédemment, le stockage de contenus est bien une fonction occupée par les sites communautaires et cela ne peut être nié. D’autre part, il nous semble inapproprié de dessiner un régime spécifique pour les prestataires techniques qui serait isolé de celui des « hébergeurs 2.0 ». Il est normal et important que ces prestataires techniques soient tenus aux mêmes obligations que toutes les personnes ayant une fonction d’hébergement et notamment, demeurent tenus aux obligations de conservation de données d’identification ou « d’action » suite à une notification de titulaires de droits. On ne peut que s’opposer à une logique tendant à vouloir faire bénéficier des prestataires techniques d’un régime d’irresponsabilité comme cela a pu être demandé lors de l’audition des représentants d’OVH.

Enfin, une modification législative irait à l’encontre de l’esprit de la loi dont l’objet était depromouvoir le développement de l’internet et du commerce électronique et ne pas porter atteinte a l’exercice de la liberté de communication et à la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression.

3 – L’ASIC n’est pas favorable à une redéfinition de l’hébergeur au sens de la LCEN. Une telle logique d’interprétation de la loi aboutirait à vouloir appliquer à un acteur un statut juridique unique quelque soit la fonction en cause et reviendrait finalement sur l’équilibre actuel. Par ailleurs, il est évident qu’un consensus autour de définitions semble difficile à obtenir en un laps de temps aussi court.

 Proposition de l’ASIC
L’ASIC souhaite que le travail réalisé au sein de la Commission puisse ouvrir la voie à une meilleure coopération entre ayant-droits et intermédiaires. Une recommandation possible que pourrait faire la Commission dans ses conclusions consiste à recourir à la « soft law », et plus précisément de procéder via une ou plusieurs chartes d’engagement par domaine d’activité qui seraient signées entre les ayants droit et les acteurs de l’internet communautaire (par exemple, plateforme d’hébergement vidéos, plateformes de commerce électronique, etc.).

Il parait opportun de recommander plusieurs chartes dans la mesure où une seule charte ne pourrait pas régler dans le détail les particularismes que peut revêtir la protection des droits d’auteur, des droits voisins ou des droits de propriété industrielle dans les différents domaines d’activités de l’Internet communautaire. Les mécanismes de détection d’images, de vidéos ou de produits étant radicalement différents, il nous semble difficile dans un document unique d’entrer dans des précisions importantes.

Deux pistes de charte pourraient être recommandées, l’une pour les plateformes d’hébergement de vidéos, l’autre pour les plateformes de commerce électronique. Ce sont
les deux domaines d’activités qui ont retenu la plus grande attention de la commission. En outre, dans ces deux domaines, il y a de véritables enjeux pour une mise en œuvre des moyens d’ores et déjà proposés par les principaux acteurs.

A ce propos, il nous semble important que le groupe de travail souligne dans ses conclusions la bonne volonté de dialogue, les efforts et les investissements entrepris par
certains acteurs pour coopérer avec les ayant-droits, et reconnaisse que la lutte contre la contrefaçon ne passe pas seulement par des actions positives des acteurs de l’internet communautaire mais aussi par l’intermédiaire d’actions tant des ayant droits que des pouvoirs publics.