Mais pourquoi vouloir taxer des talents du web pour financer les fictions élitistes françaises ?

D’une taxe “jeunes créateurs” à une niche fiscale “YouPorn”

Paris, le 12 octobre 2016 – L’Association des Services Internet Communautaires, (ASIC), fondée en 2007 et qui regroupe l’ensemble des plateformes d’hébergement, s’inquiète du retour, chaque année depuis neuf ans à la même époque, au moment de l’examen du Projet de loi de finances, de propositions tendant à mettre en oeuvre une taxation spécifique pour Internet.

Plusieurs parlementaires de la majorité ont la volonté de mettre en oeuvre une nouvelle taxation des revenus générés par les créateurs ayant recours aux plateformes d’hébergement de vidéos (amendement N°I-CF425). Afin de protéger ceux qui n’y auraient recours que de manière occasionnelle, un abattement de 66% est également proposé pour les contenus amateurs.

Taxer les revenus des créateurs sur les plateformes de partage de vidéos au profit de l’industrie cinématographique soulève de nombreuses interrogations. D’une part, elle va vraisemblablement consister à demander à la jeune création, aux auteurs naissants d’abonder le Centre national du cinéma (CNC) et ainsi financer les prochains films français qui sortiront, d’abord et en exclusivité au cinéma.

Demander à des sites et à leurs utilisateurs de financer des contenus qui n’auront jamais leur place sur ces plateformes est à rebours des usages et des souhaits des consommateurs”, ont indiqué les dirigeants de l’ASIC. “Il serait préférable de mettre en place rapidement les mécanismes incitant l’industrie cinématographique à exploiter leurs diverses oeuvres, à ne pas les laisser dormir sur des étagères et à ainsi profiter de la puissance offerte par les diverses plateformes de vidéo pour toucher un nouveau public”.

En filigrane, c’est aussi le souhait des parlementaires de la majorité de demander aux industries musicales de financer le CNC et ainsi une grande partie de l’industrie cinématographique. Des millions d’euros sont ainsi reversés chaque année par les plateformes à cette industrie. Demain, ce sont finalement les revenus générés par les labels et autres SACEM qui seront reversés au CNC.

De même, les parlementaires ont-ils saisi l’impact de cette mesure: imputer les revenus des chaînes de télévision y compris celles du service public, qui aujourd’hui trouvent une nouvelle audience, auprès des jeunes et à l’international, sur ces plateformes au même titre que les jeunes créateurs, d’EnjoyPhoenix à Norman.

Enfin, on peut s’étonner de l’exonération offerte aux contenus amateurs diffusés sur les plateformes de vidéo. Pourquoi un tel besoin d’offrir un cadeau fiscal aux plates-formes d’échanges de contenus pornographiques amateurs, du Français Jacquie-et-Michel à l’américain YouPorn? Car rappelons que, par nature, les contenus créés par des utilisateurs individuels ne sont pas monétisés sur les principales plates-formes ; leurs conditions interdisant l’utilisation de ces services pour la diffusion de tels contenus pornographiques.

D’une taxe sur EnjoyPhoenix ou MadmoiZelle à une niche fiscale pour Youporn, ce n’est sans doute pas ce dont le numérique avait besoin à quelques mois des élections.

L’ASIC demande aux parlementaires qui débutent l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, de ne pas adopter une telle disposition qui impacterait gravement la création sur Internet.