Le Conseil national du numérique rate sa consécration de la neutralité de l’internet

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L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) a été créée, voici plus de 5 ans, suite à la première atteinte à la neutralité de l’internet quand un opérateur telecom avait décidé de restreindre l’accès à des contenus d’un fournisseur de services Internet dans le cadre d’une négociation commerciale.

Cinq ans plus tard, un opérateur de télécommunication a eu l’occasion de mettre en oeuvre des mesures destinées à bloquer l’affichage par ses clients de contenus publicitaires. Une telle mesure a de fortes conséquences sur les acteurs de l’internet dont tout ou partie de leur modèle économique repose sur la publicité en ligne. Depuis, cet opérateur a modifié ses pratiques pour proposer ce blocage des services publicitaires, en option.

Suite à cet évènement, Fleur Pellerin, Ministre en charge de l’économie numérique, a annoncé le dépôt prochain d’un projet de loi sur les libertés sur internet qui pourrait inclure un chapitre dédié à la reconnaissance législative de la neutralité de l’internet. Ce point a été précisé par le Conseil national du numérique dans son avis rendu public le 12 mars 2013.

L’ASIC salue le souhait du CNNum de reconnaître que l’internet ne doit faire l’objet d’aucun blocage, filtrage ou discrimination de la part des opérateurs.

Seulement, certains éléments du rapport du Conseil national du numérique pourraient avoir des répercussions néfastes sur l’avenir de l’internet et soulèvent des interrogations.

● Le CNNum recommande d’inscrire le principe de neutralité de l’internet dans la loi de 1986 consacrée à la communication audiovisuelle. Une telle référence est à proscrire dès lors qu’internet a été consacré en 2004 comme un secteur indépendant de la communication audiovisuelle. Si un tel principe doit être fixé, il doit l’être soit dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique, soit dans le code poste des communications électroniques. Internet n’est pas de l’audiovisuel. Il est regrettable que le CNNum réalise ainsi une telle proposition qui pourrait légitimer une extension des pouvoirs du CSA sur les contenus diffusés sur internet.

● Le CNNum relève que plusieurs intermédiaires de l’internet ont une activité proche d’un “quasi-service public”. Une telle formulation laisse donc entendre un souhait du CNNum d’inviter à transformer internet en une activité “sous contrôle de la puissance publique” puisque telle est la nature même d’un service public. L’ASIC s’interroge sur la portée d’une telle affirmation.

Le CNNum demeure silencieux sur la mise en oeuvre de solution de blocage ou de filtrage à la demande de la puissance publique et ceci sans passage préalable par le juge. Or, il s’agit ici d’un enjeu essentiel pour la liberté d’information et la liberté d’expression. Un blocage administratif n’apportera pas toutes les garanties que celui-ci est légitime.

● Le CNNum invite le législateur à étendre le principe de neutralité à l’ensemble des intermédiaires de l’internet et notamment aux hébergeurs. L’ASIC rappelle qu’une telle mesure n’est possible qu’en reconnaissant un recours préalable au juge pour le retrait d’un contenu illicite au risque de faire peser sur ces acteurs un renforcement injustifié de leur responsabilité. Le nouveau principe de neutralité des intermédiaires de l’internet devra donc consacrer l’obligation de recourir à une décision judiciaire préalable à tout retrait sollicité auprès des hébergeurs.

En conclusion, l’ASIC rappelle son attachement à ne pas créer de barrière d’accès au réseau.

En voulant inclure l’internet dans le champ de la communication audiovisuelle, en laissant entendre que les intermédiaires de l’internet seraient des dépositaires d’un service public ou en refusant de se positionner sur la question du blocage administratif de contenus, le Conseil national du numérique fragilise de manière injustifiée le principe d’un internet ouvert.