L’Assemblée Nationale décide de taxer les jeunes créateurs pour gonfler le trésor de guerre du Centre National du Cinéma

Le “plus puissant lobby de France” a encore frappé  

Paris, le 12 décembre 2016 – L’Association des Services Internet Communautaires, (ASIC), fondée en 2007 et qui regroupe l’ensemble des plateformes d’hébergement, regrette l’adoption par l’Assemblée Nationale d’un amendement visant à taxer les vidéos financées par la publicité sur les plateformes d’hébergement (amendement N°CF234) dans le projet de loi de finance rectificative.

Lors de la matinée-débat de l’ASIC le 1er décembre intitulé “Les hébergeurs: arbitres ou gardiens de la liberté d’expression en ligne ?”, une illustre parlementaire avait fait part de son expérience, constatant que le lobby des ayants droit est le plus puissant en France, loin devant le renommé lobby bancaire, disposant ainsi d’une influence disproportionnée sur l’élaboration des normes législatives et réglementaires. Les faits lui ont tristement donné raison une semaine plus tard.

Alors que l’Assemblée Nationale avait rejeté une première fois un amendement visant à taxer les revenus générés par les créateurs ayant recours aux plateformes d’hébergement de vidéos (amendement N°I-CF425) en octobre dernier, le lobby des ayants droit a obtenu que le même amendement soit à nouveau déposé, puis voté dans un autre véhicule législatif.

Le débat a également révélé au grand jour certains agissements du Centre National du Cinéma auprès des Parlementaires. Alors que le Gouvernement s’est fermement opposé à cet amendement dès son premier dépôt, le CNC – administration relevant pourtant du Ministère de la Culture – n’a pas hésité à prendre une position inverse aux arbitrages du Gouvernement et ainsi militer pour une taxation des nouvelles formes de création. Dans sa campagne, le CNC n’a pas hésité à faire des promesses électoralistes : la taxe profitera à tout le monde, aux producteurs audiovisuels, à la musique et aux créateurs de vidéos sur les plateformes d’hébergement.

Comme toujours, les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Qui pour penser que le CNC en charge du financement du cinéma et de l’audiovisuel acceptera de réserver une portion de son trésor de guerre – sagement conservé à l’abri des jeunes créateurs – au bénéfice de l’industrie musicale ?

En ce qui concerne les jeunes créateurs, il est inquiétant de voir le CNC refuser de prendre en compte ces derniers dans le périmètre des bénéficiaires de ses nombreuses aides. Le mécanisme mis en place par le CNC jusqu’à présent a pour objet et pour effet de bénéficier aux personnes faisant le choix de la télévision et/ou du cinéma. Aucun Youtubeur ou MotionMaker n’est en mesure de bénéficier d’un quelconque centime d’euro de la part du CNC pour ses courtes vidéos diffusées exclusivement sur le réseau Internet. Le Gouvernement a estimé que cette taxe pourrait représenter 1 million d’euros. Ni le CNC, ni les parlementaires n’ont souhaité pour autant permettre que ces nouveaux financeurs puissent être aussi bénéficiaires des aides octroyées.

Les plateformes qui hébergent des vidéos sur des sujets de toute sorte : musique, jeux vidéos, tutoriels (de bricolage, de maquillage…), cours à distance, “vidéos de chat”, explications sur les techniques et les méthodologies, des vidéos privées…. n’ont AUCUN lien avec les missions de financement du cinéma d’auteur français. Où se trouvent d’ailleurs ces films sur les  plateformes qu’on veut taxer ? Le CNC serait bienvenu de les lister et donner des détails sur leur audience réelle.

Enfin, cette taxe constitue à nouveau un signal très négatif envoyé à l’international. Après les 41 taxes créés ces dernières années, cette énième ponction fiscale qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde enverra, une fois de plus, un signal très négatif quant à l’attractivité de notre pays. Une action concertée au niveau européen serait souhaitable!

A ce titre, l’ASIC souligne que, dans sa proposition de directive pour les services de médias audiovisuels, la Commission Européenne propose, contrairement à ce qui a été dit, une approche radicalement différente pour les plateformes de partage de vidéos basée sur la co-régulation et une “harmonisation maximale” afin d’empêcher “toute segmentation qui pourrait résulter des interventions des États membres dans le futur.

Le processus du projet de loi de finance rectificative n’est pas encore terminé ! L’ASIC espère que le Gouvernement ainsi que les Sénateurs reviendront sur cette taxe qui envoie un signal profondément négatif à la communauté du numérique en France et à l’étranger, sans pour autant constituer un progrès pour la création audiovisuelle.

A tout le moins, l’ASIC demande – à défaut de suppression de la taxe – que les parlementaires adoptent une mesure fléchant 30% de l’ensemble des aides octroyées par le CNC au bénéfice des créateurs présents uniquement sur des plates-formes en ligne.

Et à titre de signal fort de la part du Gouvernement en faveur de la création, il serait utile que 30% du trésor de guerre actuellement détenu par le CNC(1) soit redistribué dès l’année prochaine à la création en ligne.

cnc

(1) Evalué à plus de 500 millions d’euros selon un rapport du Sénat datant de juillet 2016.

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