La République numérique n’est pas celle du repli sur soi (communiqué commun)

Les organisations professionnelles du numérique – l’ASIC, France Digitale, le SFIB, Syntec Numérique et TECH IN France – s’inquiètent vivement des nouvelles dispositions introduites lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique au Sénat. Ces 5 organisations appellent la représentation nationale à modifier le texte en Commission mixte paritaire le 29 juin prochain afin de préserver la vision positive qui animait le texte initial et ne pas céder à la tentation du repli sur soi ou du protectionnisme.

La France vit une véritable transformation numérique qui s’observe déjà sans ambiguïté au niveau de l’emploi. Selon une étude de Pôle Emploi parue en avril 2016, il a progressé dans le numérique, de 2009 à 2014, à un rythme quatre fois plus rapide que dans l’ensemble de l’économie : de 2,6 % contre + 0,6 %.

Mais la France pourrait faire mieux encore ! Selon McKinsey, notre pays pourrait gagner 100 milliards d’euros supplémentaires de PIB par an, dès 2020, s’il accélérait précisément la transformation numérique, avec à la clé, gageons-le, davantage d’emplois.

Le projet de loi pour une République numérique s’inscrit en phase avec cette ambition. Il porte la vision que le numérique ne se limite pas à un secteur économique, à quelques entreprises spécialisées, mais peut transformer toute l’économie pour rendre plus compétitives nos entreprises, faciliter la vie des Français avec des services innovants et plus performants et augmenter leur pouvoir d’achat grâce à une économie plus collaborative.

Le projet de loi pour une République numérique vise notamment à favoriser la circulation des données et du savoir, œuvrer pour la protection des individus dans la société numérique et à garantir l’accès au numérique pour tous – enjeu crucial de la pérennisation d’un modèle social inclusif. Il permettrait également d’offrir un cadre propice au développement de nouveaux usages comme l’e-sport. Un certain nombre de dispositions qui risquaient de brider le développement du numérique ont enfin également été améliorées, à la satisfaction des industries et services que nous représentons.

Pour autant, contre l’avis du gouvernement, certains parlementaires ont ajouté des dispositions qui non seulement vont à rebours de la vision positive qui animait originellement le texte mais qui portent atteinte à des principes fondamentaux du numérique, en particulier ceux qui garantissent un Internet libre, neutre, ouvert et propice à l’innovation.

Le numérique est indifférent à la territorialité par définition. Imposer le lieu de stockage des données en Europe n’a donc pas de sens, ni en termes de technologie, ni de sécurité, ni encore de protection des citoyens. Ce qui importe, c’est le régime juridique appliqué à ces données et à leur transfert et donc ce qui est actuellement en discussion entre l’Europe et les Etats-Unis au titre du Privacy Shield. Plutôt que de tenter d’entraver vainement la circulation des données, mieux vaut chercher à garantir que le même niveau de protection s’applique pour les données personnelles des Européens, quel que soit le lieu de stockage, dans le cadre des traités internationaux comme celui en cours de négociation.

Plus largement, la France ne doit pas se singulariser par une position réfractaire vis-à-vis du développement de l’économie numérique, en introduisant des barrières réglementaires spécifiques aux nouveaux usages qui voient le jour au sein de l’économie collaborative. Ce serait aller contre le sens de l’histoire et, à terme, contre la croissance et l’emploi. De même, les différentes atteintes qui seraient portées, dans ce texte ou ailleurs, à l’intégrité du statut d’hébergeur, aboutiraient à changer le visage d’Internet. Demander aux plateformes de contrôler et d’agir de façon excessive sur contenu des utilisateurs qu’elles hébergent ou référencent, c’est prendre la responsabilité d’un Internet de moins en moins démocratique. Il va de soi que le point d’équilibre est difficile à trouver entre réglementation et liberté sur Internet, c’est pourquoi le législateur doit prendre le temps de l’analyse et de la concertation.

Nous espérons donc que les pouvoirs publics et le législateur vont persévérer dans la vision positive qui animait le projet initial de loi pour une République numérique et ne pas céder à la tentation du repli sur soi ou du protectionnisme. La France dispose de tous les atouts nécessaires pour réussir une transformation numérique qui profite à toute l’économie et à tous nos concitoyens, et pour faire naître ici des futurs leaders mondiaux du numérique.

CP COMMUN