Neutralité du net : Quel réseau veut-on pour demain ?

L’ASIC a réuni les acteurs majeurs de l’économie numérique pour débattre de la neutralité du Net

Paris, le 25 mars 2010 – L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC), fondée en décembre 2007 et regroupant les principaux acteurs de l’internet 2.0 a organisé ce jour une conférence, réunissant des acteurs majeurs de l’économie numérique autour de la thématique de la neutralité du net.

Le principe de neutralité du Net est une garantie contre toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. A l’occasion du vote de la loi sur la Fracture numérique en France, les parlementaires ont adopté une mesure demandant au Gouvernement de leur remettre un rapport sur la question de la neutralité des réseaux de communications électroniques. L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a également indiqué le lancement de concertations entre les opérateurs pour la publication de recommandation sur la neutralité du Net à l’été 2010 et organisera un colloque le 13 avril prochain.

Dans ce contexte, l’ASIC a organisé une table-ronde pour débattre des différents enjeux liés à ce principe. En réunissant les acteurs majeurs de l’économie numérique en France, l’ASIC a souhaité ouvrir le débat et tenter de formuler un diagnostic partagé, nourri par les expériences et les points de vue de chacun, et ainsi apporter sa contribution aux travaux engagés.

A l’occasion de cette table-ronde, les divers intervenants ont pu faire part de leurs positions sur cette problématique.

Pour Giuseppe de MARTINO, Président de l’ASIC et Directeur juridique et réglementaire de Dailymotion, « La net neutralité, c’est la non discrimination sur les réseaux entre les contenus, les services ou les applications en fonction de leurs sources. Internet repose en effet sur un principe fondamental, sa neutralité, son ouverture : l’internaute ne doit pas subir d’entraves dans l’accès aux contenus, services et applications de son choix. Pour les opérateurs de services, les opérateurs du réseau ne doivent pas procéder à une quelconque discrimination, et orienter les choix des utilisateurs en bloquant l’accès à certains contenus, services et/ou applications ou en fournissant une qualité de service différente en fonction par exemple de l’absence ou de la présence d’accords commerciaux que peuvent avoir ces opérateurs. Bien sûr, cela ne veut pas dire que l’opérateur du réseau ne puisse « décongestionner » celui-ci en donnant, par exemple, la priorité à une catégorie par rapport à une autre, à la voix par rapport au transport de données comme les images. Mais à l’intérieur de la catégorie des données par exemple, l’opérateur ne peut brider ou bloquer un service vidéo au détriment d’un moteur de recherche, d’un service de ventes aux enchères… ou d’un autre service vidéo. »

Pour Edouard BARREIRO, Chargé de Mission à l’UFC Que Choisir, « Internet a fait entrer le monde dans un nouveau paradigme socio-économique. La dynamique de cette rupture trouve ses origines dans la possibilité offerte à chacun d’accéder librement au réseau. Un internet ouvert est une condition nécessaire à l’innovation et à la création de richesses .Ce principe est également fondamental pour le consommateur, il lui garantit un accès élargi à l’information et à la culture. Défendre cette liberté est au cœur du combat de l’UFC-Que Choisir pour la préservation de la neutralité d’Internet. »

Pour Jean-Jacques SAHEL, Directeur des affaires réglementaires de Skype, « L’Internet ouvert est le principe fondamental qui a permis à une génération d’innovateurs de mettre leurs sites, leurs contenus, leurs applications en ligne sans avoir à demander la permission de qui que ce soit avant de le faire. En parallèle, les internautes ont pu accéder à tout le contenu, toute l’information de leur choix sur Internet sans entraves – tant qu’ils payaient leur accès à l’Internet. Mais des restrictions sur la capacité des internautes de faire ce que bon leur semble sur Internet, sont mises en place par certains opérateurs. C’est le cas de Skype, interdit d’utilisation par tous les opérateurs mobiles en France. Les autorités doivent faire respecter l’Internet ouvert, dans l’intérêt des consommateurs, de l’innovation, et de tout l’écosystème Internet. »

Pour Benoit TABAKA, Directeur des affaires juridiques et réglementaires de PriceMinister, « L’internet est un formidable outil de développement pour l’ensemble des secteurs. A un moment où plusieurs opérateurs se prononcent publiquement contre le principe d’un internet ouvert, il est important que celui-ci puisse rapidement être garanti par les pouvoirs publics et les autorités de régulation. Le principe de l’internet ouvert ne doit pas être détourné et aboutir à ce que ces opérateurs décident à quels services les internautes peuvent avoir accès ou, pire, favorisent leurs propres contenus ou ceux de leurs partenaires, au détriment des autres contenus, services ou applications disponibles sur la Toile »

Pour Alain VAN GAEVER, Policy Manager chez Google, « un internet neutre et ouvert bénéficie à tous. De la petite entreprise qui lance de nouveaux projets jusqu’aux entreprises déjà en place qui développent leurs activités en ligne. Mais, avant tout, un internet neutre et ouvert bénéficie aux consommateurs qui peuvent ainsi aller piocher dans ce monde riche en opportunités. La question clé est : quel modèle d’internet pensons-nous être capable de proposer à notre société ? »

Pour Emmanuel TRICAUD, Directeur des affaires réglementaires et du développement de Colt Télécommunications, « Colt, au travers de son infrastructure de bout en bout, est positionné comme plateforme d’échanges d’informations faisant la synthèse du métier d’opérateur de télécommunications d’entreprises et d’hébergeur d’applications. A ce titre, Colt est et sera un acteur engagé et vigilant dans le débat de la Net Neutralité. Un des premiers enjeux de ce débat est la latence, le temps mesuré en millisecondes pour que le flux IP parvienne à destination. Sur ce point, notre souci est d’éviter que ne se créent des situations de discrimination. Un grand FAI peut relever le prix de la bande passante à faible latence vers ses abonnés. Un site grand public de premier plan peut se plaindre ouvertement auprès des internautes de la dégradation de la latence qui le sépare des internautes de ce FAI et ainsi obtenir gain de cause. C’est un débat économique, les “pratiques d’administration de réseau” sont l’arbre qui cache la forêt. La question est de savoir si l’universalité de l’internet n’implique pas que l’accès aux internautes d’un FAI avec une latence donnée doive être régulé pour s’assurer qu’elle est disponible à tous les sites, à toutes les applications de l’internet, dans des conditions non-discriminatoires. Colt sera tout aussi vigilant pour éviter que la non discrimination ne soit pas synonyme de qualité dégradée ».

En conclusion, le Sénateur de Vendée Bruno RETAILLEAU a indiqué qu’« Internet peut être un véritable accélérateur de croissance et un démultiplicateur de productivité. Dans ce nouvel écosystème qui se met en place, deux principes sont essentiels : la neutralité et la distinction entre le statut éditeur et celui d’hébergeur pour que ce dernier ne soit pas remis en cause. La question qui se pose à nous législateur est de savoir jusqu’où est-on prêt à aller, au bénéfice du consommateur, dans la gestion des réseaux ? Deux risques existent : la congestion des réseaux et l’entrave au libre accès des contenus. Pour préserver l’écosytème, la transparence est nécessaire et le respect du principe de non discrimination est fondamental. Il faudra sans doute un régulateur sectoriel, l’ARCEP. »

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