Droit voisin: Le Parlement consacre des exceptions protégeant la libre circulation de l’information et le libre choix des éditeurs et acteurs du numérique

Malgré les craintes, la loi ne crée pas d’obligation de rémunération systématique pour chaque lien hypertexte 

Paris, le 23 juillet 2019 – L’Assemblée nationale adopte définitivement la proposition de loi, transposant l’article 15 (ex-11) de la directive européenne sur le droit d’auteur, créant un droit voisin au profit des éditeurs de presse. L’ASIC regrette que la discussion n’ait pas permis de clarifier les contours exacts de ce droit et de l’équilibre qui devra être recherché entre, d’une part, la liberté d’accéder et de faire circuler des informations et, d’autre part, les protections complémentaires au droit d’auteur existant. 

Après de nombreux mois de discussions à Bruxelles, l’Europe a adopté la directive relative au droit d’auteur, créant un “droit voisin” au profit des éditeurs de presse et des agences de presse. Ce droit vient se superposer au droit d’auteur existant pour les agences de presse, les éditeurs de presse et les journalistes. C’est cet article 15 de la directive que la France transpose aujourd’hui dans sa proposition de loi relative au droit voisin. 

Cette loi a souvent été définie à tort comme venant consacrer un droit à rémunération de la part d’acteurs du numérique au profit des industries de la presse. Or ce n’est pas le cas. Elle crée un droit voisin, assorti d’exceptions, pour toute reproduction et communication au public de contenus de presse par un site internet – sans être limité à un type d’acteur en particulier. 

Tout d’abord, la directive et la loi française créent une ligne de démarcation entre ce qui est autorisé et ce qui doit faire l’objet d’un accord d’un éditeur ou d’une agence de presse. Ainsi, la loi indique clairement que les éditeurs de presse ne peuvent interdire (i) les liens hypertextes, (ii) l’utilisation de mots isolés ou (iii) l’utilisation de très courts extraits d’une publication de presse. 

Lors des discussions, l’ASIC avait appelé de ses voeux que ce concept de “très courts extraits” puisse faire l’objet d’une définition plus précise. Or le gouvernement et le Parlement ont préféré renvoyer au juge le soin de définir concrètement la mise en oeuvre de ce droit. Néanmoins, l’intégration explicite de ces exceptions permet de donner aux acteurs du numérique une meilleure compréhension de ce qu’ils peuvent faire, dans quelles conditions et ainsi, si de besoin, ajuster produit par produit, fonctionnalité par fonctionnalité leurs services. 

Ensuite, la loi laisse le choix à chaque éditeur et agence, individuellement, le soin de choisir la manière dont son contenu peut être utilisé. L’éditeur est ainsi libre de donner ou non son accord pour une utilisation qui dépasserait l’exception prévue par le texte. L’éditeur est aussi libre de demander ou non une rémunération pour les usages qu’il autoriserait. La loi pose le principe du libre choix de l’éditeur de dialoguer, discuter et trouver un accord avec les divers acteurs du numérique pour l’utilisation d’un contenu qui dépasserait le champ des exceptions. L’éditeur et le ou les acteurs du numérique auront également le choix de s’entendre sur des modalités techniques et économiques de leur partenariat – comme cela est déjà le cas. 

Pour Giuseppe de Martino, Président de l’ASIC, “La directive et la loi française permettent aux acteurs du numérique et aux éditeurs de presse de s’entendre sur la manière dont les contenus peuvent être diffusés sur internet. La loi ouvre une grande flexibilité, permettant ainsi entreprise par entreprise, produit par produit, fonctionnalité par fonctionnalité, de décider d’une éventuelle rémunération ou d’un affichage conforme à l’esprit de la directive

L’ASIC regrette néanmoins que la loi française n’ait pas clarifié certains concepts, et notamment ce qu’il faut entendre par “très courts extraits” ou la question de l’exclusion automatique des contenus mis en ligne directement par les éditeurs de presse sur les diverses plateformes. De même, ni la loi, ni aucun texte d’application ne vient délimiter clairement le périmètre d’application de ce nouveau droit. Au regard des débats au Parlement et de la lettre même de la loi, la question demeure de savoir si des contenus qui ne seraient pas d’information politique et générale entrent dans le périmètre de ce nouveau droit – voire, quand bien même ils y entreraient, s’ils seraient légitimes à recevoir une rémunération. 

Enfin, L’ASIC appelle aussi de ses voeux à ce que les éditeurs de presse clarifient, avant toute détermination d’une quelconque rémunération au titre du droit voisin, les modalités de partage de la valeur avec les journalistes et les agences de presse. En effet, une étude avait ainsi démontré que 64% des contenus publiés sur Internet sont un copié-collé de dépêches d’agence et que seuls 21% des contenus constituent des contenus originaux.