Directive droit d’auteur: proposition pour préserver la liberté de lier, de communiquer et d’informer

Le 3 décembre 2018, les autorités européennes se réunissent sous la forme d’un trilogue afin de trouver un accord sur le contenu de la directive Copyright. En particulier, l’article 11 – relatif à la création d’un droit de propriété intellectuelle (« droit voisin ») pour toute l’indexation ou partage de liens sur internet – sera débattu. Le Parlement et le Conseil s’opposent sur les exceptions à poser sur le principe de rémunération pour l’indexation d’un lien hypertexte ou le partage de ce lien sur internet.  

L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) réunit depuis 2007 de nombreuses plateformes collaboratives en ligne, françaises ou étrangères. Depuis plus de dix ans, l’ASIC participe aux discussions sur l’encadrement des activités se déroulant sur Internet. De la réforme de l’audiovisuel à celle de la propriété intellectuelle, de la protection des données personnelles à celle des plus jeunes publics, l’ASIC cherche systématiquement à ouvrir un dialogue large et constructif afin de faire émerger des solutions pragmatiques et efficaces.

C’est dans cet objectif que l’ASIC a récemment appelé de ses voeux un dialogue constructif et un juste équilibre entre protection du droit d’auteur et capacités techniques et humaines de chacun dans le cadre des débats autour de la proposition de directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. A ce titre, l’ASIC demeure convaincue que les article 11 et 13 tels que discutés par le Conseil de l’Union européenne demeurent une solution d’équilibre entre l’ensemble des parties prenantes.

En amont des prochaines discussions, l’ASIC souhaite faire part des commentaires suivants :

A propos de l’article 11 de la proposition de directive: l’ASIC est en faveur d’un régime préservant la liberté de lier, de communiquer et d’informer

Dans un questionnaire récemment adressé aux Etats membres, la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne proposait aux Etats de choisir entre la rédaction du Conseil de l’Union européenne et celle du Parlement européen à propos de l’article 11:

(Parlement) they can accept the exclusion of mere hyperlinks which are accompanied by individual words;

(Conseil) they insist on the exclusion of insubstantial parts as provided by the Council mandate.

L’ASIC n’est en l’état pas favorable à la rédaction du Parlement. En effet, celle-ci a pour effet d’aller à l’encontre de l’approche retenue jusqu’à présent par la France et le Conseil de l’Union européenne selon laquelle seuls les liens constituant une communication au public d’une oeuvre devraient être intégrés dans le périmètre de l’article 11. Or, la formulation retenue par cette proposition du Parlement évoque uniquement les “simples liens hypertextes” accompagnés de “mots individuels”. Cela signifie que le texte n’exclurait en réalité du champ d’application de l’article 11 que les liens qui incluent UN mot. Or, de nombreux liens – du fait de leur génération automatique – incluent d’ores et déjà plusieurs mots (ex. http://www.culture.gouv.fr/Actualites/Quels-sont-les-territoires-de-la-mode-de-demain )

La solution du Parlement ne permettrait ainsi plus de partager de simples liens dès lors que ceux ci seraient composés de plus d’un mot individuel ou seraient, comme indiqué ci-dessus, constitués d’une phrase courte.

Pour un tweet, cela se réduirait à cela:

A l’inverse, l’ASIC considère que la proposition de rédaction du Conseil semble la plus réaliste. Le trilogue devrait exclure les liens incluant des “éléments non substantiels”, c’est à dire un extrait non significatif d’un contenu présent sur la page en plus de la mention du lien hypertexte. Ceci peut être un titre ou une phrase présents dans la page du lien en question.

Le recours au concept de “éléments non-substantiels” permet de refléter l’application en droit français de l’exception dite “de courte citation” et de la jurisprudence établie par la Cour de cassation en la matière. Cette notion permet de conserver un équilibre entre la protection nécessaire par le droit d’auteur et la nécessité de permettre la circulation d’extraits non significatifs d’une oeuvre protégées. Une telle approche peut notamment permettre à des individus ou des médias de continuer à mentionner des extraits non significatifs d’un contenu afin de le commenter ou le critiquer sur les réseaux sociaux.

A l’inverse, si une telle exclusion n’était pas permise, elle aurait pour effet de permettre à un titulaire de droits de protéger un contenu qui n’aurait aucune originalité ou qui ne constituerait en aucune manière une oeuvre protégée par le droit d’auteur.

L’ASIC comprend toutefois également les réticences à admettre une exclusion des liens hypertextes accompagnés d’ “éléments non-substantiels” d’un contenu au regard de l’incertitude juridique qu’une telle rédaction pourrait engendrer.

Afin de trouver une issue favorable et un équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et la liberté d’information et de communication, l’ASIC propose que les “éléments non-substantiels” accompagnant le lien puissent être définis comme un texte ne dépassant pas 250 caractères.

La limite de 250 caractères permet :

  • de permettre à un internaute de citer un très court extrait d’un article de presse afin d’en faire le commentaire, l’analyse ou la critique. Les équilibres entre les droits et libertés en présence sont ainsi respectés ;
  • d’utiliser la taille moyenne à celle retenue aujourd’hui pour le SMS (180 caractères) ou sur plusieurs plateformes comme Twitter (280 caractères), Mastodon (500 caractères), Facebook (235 caractères pour un lien ajouté à un statut – voire 60.000 pour un post), Instagram (2200 caractères), Pinterest (500 caractères) ou Linkedin (1300 caractères pour un post).