Contribution de l’ASIC à la consultation publique de la Commission Européenne sur les contenus créatifs en ligne

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Créée en décembre 2007, l’Association des Services Internet Communautaires (www.lasic.fr) est la première organisation française qui regroupe des sociétés de premier plan du web 2.0 et qui vise à promouvoir le « nouvel » Internet.

En France particulièrement, la démocratisation des offres haut débit a permis le développement rapide de nouveaux services Internet, souvent qualifiés de web 2.0. C’est ainsi que les intermédiaires techniques de l’Internet nouvelle vague et les opérateurs des plateformes placent désormais l’internaute au centre de l’Internet et lui fournissent les moyens pour développer la création, le partage et les transactions.

Selon une étude Ernst&Young sur le capital risque datant de mars 2007, la France arrivait en tête de l’Europe en termes d’investissements dans le web 2.0 (l’écart avec les Etats-Unis demeure toutefois encore important). Dans un contexte où l’emploi et la compétitivité sont au centre des débats politiques, l’Internet nouvelle génération apparaît comme l’un des domaines clés d’innovation dont la France et l’Europe pourraient profiter.

En effet, les modèles liés au web 2.0 permettent l’émergence d’activités économiques jusqu’à présent difficilement viables – notamment grâce à la possibilité de servir une multitude de micro-audience sur le modèle dit de la « longue traîne ». En outre, l’écosystème qui s’affirme sur Internet se caractérise par son ouverture : une grande flexibilité dans l’utilisation, une audience accessible à tous, un espace de diversité culturelle, une interactivité renforcée, un modèle collaboratif tirant parti de l’intelligence collective, etc.

Cet écosystème ouvre de nombreuses opportunités de développement de nouveaux services, souvent par de tout nouveaux acteurs. Il n’est d’ailleurs pas inutile de souligner qu’aux côtés d’acteurs majeurs, voire historiques, de l’Internet, comme Google, Yahoo, MySpace, Wikimedia, ou Microsoft, les autres membres de l’ASIC sont de « jeunes pousses » françaises nées de l’imagination et du talent entrepreneurial de leurs fondateurs : Dailymotion, PriceMinister, SkyBlog, Exalead, Kewego, Zlio, etc.

Dans ce contexte, l’ASIC se félicite de la communication sur les « Contenus contenu en ligne dans le marché unique » et de l’occasion offerte par la Commission européenne de soumettre ses observations et de mettre en perspective les différentes questions qu’elle soulève.

Le domaine du contenu créatif en ligne connait des développements prometteurs, avec l’apparition de modèles économiques innovants pour la distribution en ligne des contenus traditionnels, et la vague de nouveaux contenus créés par les utilisateurs. Ces développements offrent un large éventail d’opportunités en termes d’innovation, de création et d’accès des utilisateurs à une plus grande diversité de contenu. Le métier des entreprises membres de l’ASIC constitue précisément à imaginer et mettre en oeuvre de nouveaux modèles qui permettent et permettront des développements, des nouveaux canaux de distribution et des nouvelles sources de revenus pour les contenus créatifs en ligne.

Un certain nombre de défis restent néanmoins à résoudre pour tirer le meilleur parti de ces opportunités au niveau français et européen. En ligne avec les principaux défis identifiés par la Communication, l’ASIC considère qu’il est essentiel de faciliter l’accès au contenu pour les opérateurs de services en ligne, et de développer des systèmes de licence de droit adaptés au caractère multi-territorial de ces services. Le développement de services de contenu en ligne innovants répondant aux attentes et besoins
des utilisateurs, doit aussi être l’objectif central pour régler la question de l’atteinte en ligne aux droits  d’auteur.

Dans ce contexte, l’ASIC considère la Communication sur les contenus créatifs en ligne comme une opportunité pour les différents acteurs concernés de poursuivre le dialogue déjà engagé sur les meilleurs moyens de relever ces défis au niveau européen.

1. Le marché européen du contenu créatif en ligne : un environnement en constante évolution.

Comme le souligne la Communication, la créativité du marché du contenu en ligne est un marché émergent dans lequel les évolutions se déroulent à un rythme rapide. Selon l’étude sur « les contenus interactifs et la convergence », réalisée par la Commission européenne, les revenus du marché du contenu interactif devrait plus de quadrupler et passer de € 1,8 milliards en 2005, à 8,3 Md € en 2010. Les secteurs du contenu traditionnel développent progressivement leurs activités en ligne, qui représente une part
croissante de leurs revenus. L’évolution progressive des secteurs traditionnels de contenu dans l’environnement en ligne contraste avec la révolution des contenus créés par les utilisateurs et leur développement sans précédent. La progression des contenus créés par les utilisateurs a pris des proportions importantes ces dernières années,
avec une augmentation rapide du nombre d’utilisateurs désireux de prendre part à la sélection, mais aussi à la création de contenu. C’est particulièrement vrai en France où les outils offerts aux internautes par les membres de l’ASIC connaissent un engouement spectaculaire. Il en résulte un changement majeur des habitudes des utilisateurs, passant d’une consommation passive de contenus à une participation active dans leur sélection et leur création. Ce mouvement offre la perspective d’une Société de l’information plus participative, plus diversifiée et un énorme potentiel pour la création de nouveaux contenus.

Dans le cadre d’un marché émergent et en constante évolution, l’action de la Commission européenne doit contribuer à créer les conditions garantissant la coexistence et les synergies entre ces différents modèles de création et de distribution de contenu créatifs. L’action de la Commission doit éviter de favoriser certains modèles de création ou de distribution de contenus par rapport à d’autres. Le développement des contenus créatifs en ligne viendra de la diversité des modèles de création et de distributions, à même de satisfaire la diversité des aspirations des utilisateurs. Dans ce contexte, il est crucial de créer un environnement favorable à l’innovation, la création et la diversité en conciliant les différents intérêts en présence, tels que le droit d’auteur, la liberté d’expression ou la faculté de création des utilisateurs.

2. Le développement de partenariats et de coopération multipartite.
L’ASIC soutient l’approche adoptée par la Communication, considérant que l’amélioration de la collaboration entre titulaires de droits et les intermédiaires de l’Internet constitue la solution la plus appropriée pour le développement et le déploiement rapide de services de contenu en ligne innovants, aussi bien en France et qu’en Europe.

L’autorégulation et la coopération multipartite sont à même d’apporter des solutions adaptées et rapides aux défis qui se posent dans un environnement en constante
évolution.

C’est précisément cette logique de développement de la coopération multipartite, notamment avec les titulaires de droit, qui a motivé la création de l’ASIC par des acteurs du web 2.0 responsables et désireux d’améliorer l’interaction entre différents pôles d’acteurs.

Le cadre législatif existant au niveau européen et en particulier la directive sur le commerce électronique (2000/31/CE) offrent déjà un cadre approprié et équilibré pour le développement de ce type de coopération. La directive sur le commerce électronique établit notamment un régime de responsabilité des intermédiaires de l’Internet et institue un équilibre délicat entre les différent acteurs et intérêts en présence. Ce faisant, elle offre un cadre favorable au développement de services de contenu en ligne, et à
la créativité des utilisateurs. Pour les membres de l’ASIC, cette directive et l’équilibre des responsabilités qui y est définie constituent le fondement de leurs modèles.

L’ASIC considère que le développement de services de contenus en ligne, satisfaisant les attentes et les besoins des utilisateurs, constitue le principal défi à relever pour promouvoir l’adoption de ce type de services, créer des nouvelles sources de financement pour la création de contenus et améliorer le respect du droit d’auteur. Dans ce contexte, les membres de l’ASIC développent déjà un grand nombre de partenariats et d’accords de licence avec les titulaires de droits pour fournir des services de contenus
innovants.

3. Licence de droits dans l’environnement en ligne.
Le développement de services de contenus en ligne passe par l’octroi de licence d’exploitation pour ces contenus. Dans ce contexte, la collaboration entre les intermédiaires de l’Internet et les ayants-droits doit également contribuer au favoriser l’accès à ces contenus. Cela passe notamment par le développement des modèles de licence adaptés au caractère multi-territorial des services de contenu créatifs en ligne
4. Réponses aux questions spécifiques de la consultation.

Gestion numérique des droits (DRM)
L’ASIC souhaite attirer l’attention de la Commission sur les solutions développées par certains de ses membres, hébergeurs de vidéos, qui permettent aux ayant-droits de revendiquer et gérer pleinement l’utilisation de leurs contenus audiovisuels sur ces plateformes. Ces solutions visent à maximiser la productivité des ayant-droits dans la gestion de leurs actifs, à savoir les contenus : en quelques clics, les ayant-droits sont en mesure de revendiquer leurs contenus, de définir leurs droits (territorialité, audio ou
vidéo, etc.), et de définir une règle d’usage (blocage du contenu, mise en ligne avec reporting d’utilisation, ou valorisation via, un partage des revenus liés à l’utilisation). Ces solutions innovantes remplissent la fonction de gestion numérique des droits sur les plateformes d’hébergement. Si ces solutions s’apparentent à une gestion des droits dans l’environnement numérique, il convient toutefois de bien les distinguer de ce qui est aujourd’hui désigné sous l’appellation DRM, c’est-à-dire des dispositifs technologiques attachés à un fichier qui en définisse les règles d’usage pour l’utilisateur. Les problèmes d’interopérabilité liés au DRM ne se posent pas dans le cas des outils de gestion numérique des droits sur les plateformes, puisque les internautes peuvent visionner les contenus hébergés sur ces plateformes quel que soit leur terminal.

Licences pour plusieurs territoires
6. Estimez-vous que la question des licences multi-territoriales doit faire l’objet d’une recommandation du Parlement européen et du Conseil?
L’ASIC est une association française. Mais ses membres sont des entreprises de l’Internet qui naturellement aspirent à développer leurs activités aussi largement que possible et notamment à bénéficier du cadre législatif européen favorisant le développement de leurs activités au niveau du marché intérieur. L’ASIC considère donc que les licences multi-territoriales sont essentielles pour permettre aux ayants droits ainsi qu’aux fournisseurs de service de contenu en ligne de développer de services non
seulement en France mais à l’échelle du marché intérieur européen. L’ASIC souhaite que la collaboration avec les ayants droits et les sociétés de gestion collective aboutisse à développer des solutions pour la délivrance de licences multi-territoriales adaptées au besoin des fournisseurs de service de contenu en
ligne. La Commission européenne a eu l’occasion de clarifier la question du rôle que les sociétés de gestion collectives doivent jouer dans la mise en place de telles licences au travers notamment des affaires en matière de concurrence concernant CISAC et CELAS.

7. À votre avis, quel est le moyen le plus efficace d’encourager l’octroi de licences multi-territoriales dans le domaine des oeuvres audiovisuelles? Estimez-vous que le principe de licences multi-territoriales où les marchés principaux seraient distincts des marchés secondaires peut faciliter l’octroi de licences multiterritoriales ou communautaires pour les contenus créatifs en ligne qui vous concernent?

Les membres de l’ASIC souhaiteraient avoir accès à un «guichet unique» permettant l’octroi des licences nécessaires à l’exploitation de leurs services en France, mais aussi en Europe. En d’autres termes, ils souhaiteraient être en mesure d’obtenir d’une organisation de gestion collective des droits dans l’EEE, une licence unique et multi territoriale pour l’exploitation du répertoire des grands éditeurs du monde entier, afin d’être en mesure d’offrir leurs services dans tous les États membres où ils souhaitent opérer. De telles licences devraient pouvoir être délivrées pour une exploitation des répertoires au niveau paneuropéen ou dans un nombre d’Etat membres déterminé. Ces licences devraient en outre couvrir l’ensemble des droits nécessaires à l’exploitation en ligne des œuvres.

8.Estimez-vous que les licences multi-territoriales pour les fonds de catalogue (oeuvres de plus de deux ans, par exemple) seraient avantageuses pour les modèles commerciaux basés sur le principe de la diffusion d’un plus grand nombre de produits en plus petites quantités (théorie dite de la «longue traîne»)?
Les nouveaux modèles proposés par les membres de l’ASIC offrent notamment cette opportunité de redynamiser l’exploitation de fonds de catalogue. C’est précisément le modèle de la longue traîne. La disponibilité en ligne de musique, de films ou de livres qui ne sont pas disponibles via les canaux traditionnels de distribution, favorise l’accès des utilisateurs à ces oeuvres et crée de nouvelles opportunités de marché. Les contenus développés pour des marchés de niche ont aussi la possibilité d’atteindre la plus large audience possible. Ainsi par exemple, actuellement, des ayant-droits de séries qui ont été diffusées à la télévision il y a plusieurs années trouvent de nouvelles fenêtres d’exposition à travers les plateformes communautaires vidéo de certains membres de l’ASIC.

La réalisation de la théorie dite de la longue traine suppose qu’une grande diversité de contenus puisse être rendue accessible au public. Dans ce contexte, il est primordial d’accroitre la diversité des contenus accessibles en facilitant la négociation et l’attribution des licences par la mise en place de mécanismes multi-territoriaux. L’ASIC considère qu’il est nécessaire de développer ce type de mécanismes pour tous les types d’oeuvres, et pas seulement pour les fonds de catalogue.

Offre licite et piratage
9. Comment une collaboration approfondie et efficace entre parties intéressées peut-elle améliorer le respect des droits d’auteur dans l’environnement en ligne?
L’ASIC considère que le moyen le plus efficace pour améliorer le respect du droit d’auteur dans l’environnement en ligne est le développement de services de contenus innovants répondant aux attentes et besoins des consommateurs. L’objectif premier de toute coopération approfondie devrait être de créer les conditions pour que de tels services se développent en France et en Europe. Les membres de l’ASIC offrent d’ores et déjà une collaboration étroite aux ayants droits pour la mise en place de partenariats permettant de développer l’accès aux contenus en ligne. Sur le piratage, les solutions évoquées plus haut de revendication du contenu sont basées sur des technologies de reconnaissance des contenus sur la base de leur empreinte, une sorte d’ADN du contenu. Ces solutions permettent de bloquer la mise en ligne de contenus sur des plateformes communautaires de vidéos, à condition que les ayant-droits collaborent au développement des bibliothèques d’empreintes de contenus.

10) Estimez-vous que l’accord récemment signé en France est un exemple à suivre?

Concernant les points relatifs aux plateformes communautaires vidéo de l’accord qui a conclu la mission confiée à M. Denis Olivennes en France, l’ASIC souscrit au principe de « collaboration en toute bonne foi » entre les prestataires d’hébergement et les ayant-droits pour généraliser l’utilisation de technologies de reconnaissance des contenus ». Ce principe est d’ailleurs d’ores et déjà mis en pratique par les membres de l’ASIC qui proposent aux ayant-droits ces solutions de reconnaissance de contenus.

Toutefois une partie de l’accord en question est en contradiction avec le régime de responsabilité d’un hébergeur tel que défini dans la Directive Européenne Commerce Electronique et ne peut donc recueillir l’assentiment de l’ASIC. En effet, l’accord fait référence à « une obligation faite aux plates-formes d’engager toute mesure visant à combattre la mise en ligne illicite de contenus protégés ». Cette phrase entre en contradiction avec l’absence d’obligation de surveillance générale édictée dans la directive
européenne Commerce Electronique, et l’esprit même d’un accord de coopération entre les différents acteurs concernés.

Ainsi l’ASIC ne peut considérer que cet accord est un exemple à suivre, alors qu’il remet en cause un principe aussi fondamental que celui de l’équilibre des responsabilités qui a permis le développement de l’Internet que l’on connaît aujourd’hui. Cet équilibre des responsabilités est le fondement de tous les modèles économiques développés par les entreprises membres de l’ASIC.

L’accord Olivennes reflète aussi l’engagement du gouvernement français de modifier la législation applicable en matière de droit d’auteur pour mettre en place la « réponse graduée », c’est-à-dire un système d’avertissement et de sanction des utilisateurs portant atteinte au droit d’auteur. Les sanctions envisagées pourront aller jusqu’à la résiliation de l’abonnement Internet de l’usager et à l’interdiction d’obtenir un nouvel abonnement pendant une certaine période.

Sur ce point, l’ASIC appelle à ne pas minimiser la portée de cette sanction : bannir, même temporairement, des internautes de la société de l’information, ce n’est pas seulement les empêcher de télécharger des contenus illicites, c’est aussi et surtout leur interdire l’utilisation à un vecteur communication et d’expression devenu indispensable, qui offre l’accès à une pluralité d’information, à une diversité de contenus, à une multitude de services publics, etc.

Dans ce cadre, l’accord ne détaille pas les modalités exactes de mise en place de la riposte graduée, ni les changements législatifs envisagés. Comme l’a rappelé récemment la Cour européenne de Justice des Communautés européennes, dans sa décision Promusicae v Telefónica (C-275/06) [1], il existe une nécessité pour les États membres d’assurer un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et les divers droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique communautaire [2]. À cet
égard, la Cour a rappelé la nécessité pour les États membres et les juges de tenir compte des principes généraux du droit communautaire, tels que le principe de proportionnalité.

A ce stade, et sans pouvoir présager de la proposition de loi, ni du texte final qui pourrait découler du processus de décision législatif, l’ASIC n’est pas en mesure de juger si la mise en oeuvre de la réponse graduée permettra d’établir l’équilibre nécessaire entre la protection de la propriété intellectuelle et les divers droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique communautaire. Il semble donc prématuré de se prononcer sur le fait de savoir si les accords Olivennes constituent ou non un exemple à suivre.
11) Estimez-vous que la mise en oeuvre de mesures de filtrage serait un moyen efficace pour éviter les atteintes aux droits d’auteur en ligne?
Comme indiqué précédemment, l’ASIC considère que le développement des services de contenus innovants répondant aux besoins et aux attentes des utilisateurs est le moyen le plus efficace de prévenirles atteintes au droit d’auteur. Dans ce contexte, il convient de faire une distinction entre les mesures techniques d’identification de contenus protégés qui peuvent être mises en place au niveau de certains services en ligne, et les mesures de filtrages qui peuvent être mises en oeuvre au niveau des réseaux. Les mesures d’identification de contenu protégé, mises en place dans le cadre du développement de plateformes de distribution de contenu innovantes (par exemple plateformes communautaires de vidéos), contribuent à créer un environnement de confiance incitant les ayants droits à exploiter leurs contenus sur
ces plateformes. Ces mesures d’identification de contenus ne peuvent être développées que sur la base d’une collaboration étroite et volontaire entre les ayants droits et les opérateurs de service en ligne et dans le contexte du cadre réglementaire établi par la directive sur le commerce électronique. Elles peuvent permettre d’identifier un contenu protégé, mais ne peuvent en aucun cas faire la distinction entre une utilisation non autorisée et une utilisation légitime du contenu (qui par exemple entrerait dans le champ d’application d’une exception au droit d’auteur). En conséquence, l’utilisation de ces technologies d’identification ne peut donner lieu à une présomption de connaissance d’une atteinte au droit d’auteur qui exposerait la responsabilité de l’intermédiaire de l’Internet qui les met en oeuvre.

Alors que les technologies permettant l’identification des contenus protégés au niveau des services mises en oeuvre sur une base volontaire, peuvent dans certains cas favoriser le développement de services innovants de contenu, l’application de mesures de filtrage au niveau des réseaux de communication, risque d’aboutir au résultat inverse.

L’application de technologies de filtrage suppose que les fournisseurs d’accès Internet surveillent activement leurs réseaux. Alors que la faisabilité technique ou de l’efficacité d’une telle surveillance pour lutter contre les atteintes au droit est contestable et contestée, leur utilisation pourrait entrainer des risques importants pour le développement des services de la société de l’information.

Le filtrage et l’analyse des paquets est un processus qui nécessiterait d’importantes ressources de traitement et la reconfiguration du réseau. Cela risquerait de dégrader la qualité des services tout à fait légitimes. Cela risquerait également de prévenir les utilisations légitimes de contenus protégés par le droit d’auteur, et d’affecter négativement le développement du contenu créé par les utilisateurs. En outre, la mise en place de solutions de filtrage et leurs coûts seraient supportés par les consommateurs ce qui
pourrait avoir un impact négatif sur le développement de l’accès au haut débit.

Enfin, il y a lieu de penser que le filtrage n’aura pas d’effet significatif sur la prévention des atteintes au droit d’auteur, la possibilité pour l’utilisateur de crypter leurs communications rendant les filtres totalement inopérants. L’expérience prouve que les systèmes techniques destinés à limiter l’accès au contenu, n’ont pas réussi à résoudre le problème de l’atteinte aux droits en ligne. La faisabilité, l’efficacité, les coûts, ou l’impact réel des technologies de filtrage au niveau du réseau de communications, sont l’objet de nombreuses spéculations pour le moment. Dans ce contexte, l’ASIC attend de la Commission européenne qu’elle mène une analyse approfondie et indépendante sur l’impact économique, technique et sociale d’une éventuelle mise en place du filtrage sur l’ensemble du modèle de l’Internet, avant de prendre position. Cette évaluation devrait tenir compte des coûts réels, des avantages effectifs et de l’ensemble des risques potentiels posés par l’application de mesure de filtrage au niveau des réseaux, ainsi que sur ses effets probables sur l’innovation, la création et le développement de la société de l’information en Europe.

Le modèle ouvert et neutre de l’Internet a permis le foisonnement de services et généré tant un engouement que l’adoption massive du haut débit en France et en Europe. Alors que les premières jeunes pousses européennes et notamment françaises donnent des signes de succès sur la scène internationale de l’Internet, une déstabilisation du modèle ouvert et neutre de l’Internet en Europe serait lourde de conséquences